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Gregory Sicard revisite les racines maçonniques d’Haïti
À travers son ouvrage, Gregory Sicard explore les loges maçonniques et leur rôle historique. Il met en lumière leur influence sur la société coloniale et post-indépendance.
La Franc-maçonnerie de Saint-Domingue à Haïti, nouvel essai de Gregory Sicard, propose une incursion dans l’histoire maçonnique du territoire, du XVIIIᵉ siècle à l’Haïti post-indépendance. Publié en 214 pages, l’ouvrage est structuré en quatre grands chapitres : Période coloniale, la franc-maçonnerie à Saint-Domingue, La guerre de l’indépendance, La franc-maçonnerie après l’indépendance et Informations contemporaines.
Cet ouvrage restitue avec minutie l’évolution des loges, leurs réseaux d’influence et leur rapport avec les grands bouleversements qui ont marqué la colonie puis la jeune nation haïtienne. L’auteur s’attache à raconter non seulement les liens entre la franc-maçonnerie et les élites coloniales, mais aussi son rôle durant la période révolutionnaire qui a transformé Saint-Domingue en Haïti.
Le premier chapitre, consacré à la période coloniale, montre comment la prospérité fulgurante de Saint-Domingue a favorisé l’installation et l’essor des loges maçonniques. « La prospérité de Saint-Domingue explique le développement de la franc-maçonnerie dans le milieu des grands blancs propriétaires d’habitations, dans l’administration et l’armée coloniale, et les milieux des négociants et commerçants des villes », rappelle l’auteur (p.13). Sicard retrace parallèlement l’expansion internationale de la franc-maçonnerie au XVIIIᵉ siècle, venue d’Angleterre vers l’Europe continentale et simultanément vers les Amériques, où elle trouve un terrain fertile dans les colonies britanniques et françaises.
Le livre évoque la présence remarquable de près de quarante loges dans la colonie à la fin du XVIIIᵉ siècle. L’établissement du Grand Orient de France en 1773 marque un tournant : vingt-trois loges de Saint-Domingue sont alors reconnues par la métropole. Sicard signale également l’existence de nombreuses loges indépendantes, non affiliées au GODF, qui contribuaient elles aussi à la vie intellectuelle et politique de la colonie. Le récit s’attarde sur des sociétés parallèles d’une importance capitale : le Cercle des Philadelphes, le Cercle des Massiac et la Société des Amis des Noirs, dont l’action, parfois convergente, parfois antagoniste, nourrit la dynamique d’émancipation.
Dans le chapitre consacré à la guerre de l’Indépendance, Sicard établit un parallèle entre le rôle des loges en France durant le siècle des Lumières et celui qu’elles ont joué dans la gestation des mouvements ayant conduit à 1804. Selon l’auteur, les loges furent des lieux de débat, d’échange et parfois de contestation, au cœur des forces sociales qui ont déstabilisé l’ordre colonial.
Passionné d'histoire, Gregory Sicard dit vouloir « illuminer [ses] lecteurs » et contribuer à une meilleure compréhension du passé afin d’éviter la répétition des erreurs historiques. Son ouvrage s’inscrit dans cette volonté pédagogique et citoyenne.
L’analyse qu’il propose du personnage de Jean-Jacques Dessalines (p.78), toutefois, mérite d’être abordée avec prudence. Sans en faire débat, l’on peut reconnaître que certains passages tendent à projeter sur l’Empereur des lectures anachroniques, notamment lorsqu’il est comparé à Nelson Mandela, deux figures issues d’époques et de contextes socio-politiques incomparables. Une mise en parallèle qui, malgré l’intention analytique, risque de réduire la portée singulière de l’un des héros fondateurs d’une triple révolution — contre l’esclavage, le colonialisme et le racisme. Ce questionnement n’enlève rien à l’apport documentaire majeur du livre, mais il invite le lecteur à garder un œil critique.
La Franc-maçonnerie de Saint-Domingue à Haïti est un ouvrage important, accessible et nécessaire, qui ouvre un champ de réflexion trop rarement exploré dans notre historiographie.
À propos de Gregory Sicard
Gregory Sicard est un auteur haïtien né à Port-au-Prince. Il a suivi sa scolarité primaire et secondaire à l’Institution Saint Louis de Gonzague, sous la tutelle des Frères de l’Instruction Chrétienne. Pour ses études supérieures, il s’est rendu aux États-Unis, où il a obtenu un Bachelor en administration des affaires à Boston College, puis un MBA en commerce international à l’Université de San Diego. Parallèlement à ses activités d’écriture, il est également entrepreneur et investisseur, opérant tant en Haïti qu’en Floride. Sa passion pour l’Histoire l’a porté à faire de nombreuses recherches « pour pouvoir aller de l'avant et ne pas refaire les mêmes erreurs » du passé, pour reprendre ses propres mots.